— On y va ! On y va !
— Pas dommage ! appuya Crozon, amusé par la mine déconfite du camarade.
III
Il gelait dur, bien que pas un nuage ne troublât le bleu pâli et déteint du ciel ; tout était blanc de la neige tombée abondamment la veille et durcie en croûte épaisse par le froid persistant de la nuit. Par places, le soleil caressait de traînées roses ces étendues uniformément blanches, dont le reflet brûlait les yeux.
— Joli temps pour la promenade ! gouailla Crozon, regardant de côté Faraud qui soufflait dans ses doigts et continuait à ronchonner en dedans.
Dégringolant le flanc du plateau, tantôt par glissades involontaires sur une couche de neige résistante, tantôt par enjambées saccadées, en enfonçant les talons lourdement dans des épaisseurs plus molles, la petite troupe se dirigea en droite ligne sur Gagny, où le caporal se souvenait d’avoir vu, pas loin de la voie du chemin de fer des propriétés qu’il supposait non explorées encore.
Quand on atteignit les premières maisons, les moblots placèrent soigneusement une cartouche dans la chambre de leur chassepot et s’avancèrent avec plus de prudence, l’arme prête à faire feu à la moindre rencontre suspecte.
On glissait le long des murs, en s’effaçant le plus possible, avançant le nez avant de risquer le corps, dès que la rue faisait une courbe, de manière à bien étudier les endroits, et on ne s’aventurait que lentement, le caporal ouvrant la marche et Faraud la fermant.
Une maison plus importante attira tout à coup leur attention ; une inscription courait en grandes lettres sur le mur ; plus de volets ni de croisées, tout avait été brisé, saccagé, les gonds même tordus et descellés, dans une rage de destruction qu’on retrouvait partout où avaient passé les Prussiens.
— Tiens, une usine à parfumerie ! — remarqua Tournevire, montrant les mots peints en noir sur le plâtre et brillants au soleil.
— C’est, ma foi ! vrai ! reprit Navaret. — Mais il ne doit pas y avoir à manger là dedans.
— Faut voir ! Faut voir — continua Tournevire.