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— Il est là-haut.

Il montrait le plateau, en continuant à rire, comme d’une bonne farce.

— Diable ! Mais si les Prussiens ?…

— Bah ! Bah ! On ne prend pas un Breton comme ça !

Il dessina un coup de chausson, supérieurement indiqué, et roula devant son large torse deux poings noueux, osseux, bruns et velus massifs à renverser un bœuf et à défoncer une poitrine.

En même temps, cette révélation de sa nationalité nous donnait l’explication du dialecte incompréhensible de cette chanson qui sonnait si étrangement à nos oreilles parisiennes, et que le biniou devait accompagner merveilleusement sur les landes de Bretagne.

Pas d’armes, et il ne tremblait pas, le hardi gars ; cela nous fit nous entre-regarder avec un hochement de tête admiratif. De rudes gaillards, tout de même, ces mathurins-là, pour aller ainsi à la maraude, les mains dans les poches, dans des endroits où les balles grêlaient à foison.

Nous nous souvînmes alors qu’à la suite des escapades trop nombreuses des marins qui depuis leur arrivée au plateau d’Avron, partaient constamment par groupes de deux ou trois, ou isolément, et s’aventuraient si près des avant-postes prussiens, qu’il y avait toujours des morts et des blessés, on avait tenté d’enrayer le mal en leur interdisant de sortir en armes du campement : ni fusil, ni sabre, ni hache d’abordage.

Loin de les effrayer, cette défense n’avait fait que les enhardir : ils allaient aux coups comme on va à la promenade.

Pendant qu’on bavardait avec le matelot, Faraud, qui s’était rassuré en présence de la téméraire tranquillité du Breton, furetait à droite et à gauche, fouillant le jardin, et disparaissait derrière une petite cahute, couverte d’un paillis ayant dû servir au jardinier pour serrer ses outils.

Il en ressortit presque aussitôt avec un cri de victoire, une triomphante exclamation :

— Hein ? Quelle aubaine !

Des deux bras, il pressait amoureusement contre son ventre, trois pots de grès de différentes grosseurs et un petit sac de toile brune, que bossuaient des objets inconnus.

On examina la trouvaille, un vrai trésor !

Des pots, les plus petits contenaient de la graisse, le gros, du beurre fondu ; quant au sac, il renfermait au moins un boisseau d’échalottes et de petits oignons.

Après un cordial bonjour, le mathurin se sépara de nous