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GUSTAVE TOUDOUZE




EN ROBE DE SOIE[1]



I


Si jamais nous avons failli y rester, mâtin de mâtin ! c’est bien ce jour-là !

Du coup, la campagne était finie pour nous, la pauvre première escouade eût été décimée raide, dans les grands prix, selon l’expression caractéristique du moblot Germain Crozon, un rude gars, cependant, et qui ne boudait pas devant le danger, certes non ! Mais, ce jour-là ! Ah ! ce jour-là !…

Pour tout dire, sur les dix hommes qui composaient l’escouade, à l’appel du soir il en aurait manqué cinq, y compris le caporal. Hein ! quel remue-ménage parmi les camarades, quand on aurait appris la nouvelle ?

En fermant à demi les yeux, pour mieux rassembler mes souvenirs et les disposer là, devant moi, comme si je les alignais avec la main, je revois la chose dans ses moindres détails, dans la grosse secousse de son frisson, sous la pluie d’or de ce pâle soleil d’hiver, qui nous donnait au plateau d’Avron, une vague idée de la lumière polaire.

Le 10 décembre, un samedi, le matin, on bavardait ferme entre les planches du gourbi, tout en taillant dans la boule de son de superbes tartines qu’on s’amusait à faire griller, à la pointe du sabre-baïonnette, au-dessus du brasier entretenu, jour et nuit, au centre de notre installation, dans une grossière enceinte de briques juxtaposées circulairement.

  1. Le Pompon Vert.

Anthologie Contemporaine.

Vol. 54. Série V (No 6).