affranchi d’un devoir civique. — Disons ici, puisque l’occasion s’en présente, que Faure est décoré de presque tous les ordres étrangers ; seul, celui de la Légion d’honneur lui manque ; mais Paul de Cassagnac l’a, c’est ce qui le console. — À son retour à Paris, Faure rentra à l’Opéra et y reprit son répertoire. La dernière création, qui lui a valu un éclatant succès, est celle du fou dans la Coupe du roi de Thulé. En 1857, Faure avait été nommé professeur de chant au Conservatoire ; c’eût été justice pleine et entière si, par le même décret, M. Auber eût été promu de son grade de directeur à celui de concierge.
Au physique, Faure est un très bel homme. D’une taille imposante, le cou bien attaché, le front haut, le nez arqué, la bouche bien dessinée, — un peu forte, — l’œil doux, — un peu recouvert par la paupière, — des dents superbes, — c’est bien le baryton de tous les rêves féminins. — Il n’a pas de cheveux, il y a renoncé pour n’avoir plus rien qui pût le faire comparer à Capoul. — Faure est un amateur enragé de tableaux ; sa collection est admirable. — Comme compositeur, il s’est fait aussi une réputation ; ses Rameaux et son Pie Jesu sont remarquables. Surtout chantés par lui, ces deux morceaux ont la perfection — très naturelle d’ailleurs — d’une redingote que Dusautoy se serait faite lui-même. — Enfin, Faure est, sans contredit, le plus grand chanteur de ce siècle. — Les gens qui aiment à chercher une tache au soleil, lui ont reproché d’arranger quelquefois la musique qu’on lui donne à interpréter, d’avoir le talent un peu monocorde et d’être capable, si l’occasion s’en présentait, de jouer, avec toute son inséparable barbe, un rôle de garde française. Nous sommes bien forcé de convenir que ces petites chicanes de détail ne sont pas tout à fait des querelles d’Allemand. Mais il serait presque impie de songer à regretter le seul bijou qui peut faire défaut à cette éblouissante collection de tous les joyaux les plus brillants et les plus rares. Le plus bel éloge que nous puissions faire de Faure, c’est qu’alors que pour beaucoup d’artistes acceptés, on est obligé de se demander ce qu’ils ont, on en est réduit à chercher ce qui lui manque.
NOTICE COMPLÉMENTAIRE
PAR LES COLLECTIONNEURS DU TROMBINOSCOPE
Faure obtient de nouveaux succès et renouvelle son engagement à l’Opéra le... 18... pour dix années. — Il spécifie dans son traité qu’il n’acceptera que des rôles qui puissent faire valoir sa barbe blonde, ses yeux tendres et ses jambes galbeuses, et que dans aucun cas il ne sera tenu de représenter ni Quasimodo, ni Gwynplaine de l’Homme qui rit, ni Louis Veuillot. Enfin, il meurt le... 19..., et l’on ne s’en aperçoit que cinq semaines après, tant l’on était habitué à ne jamais l’entendre respirer.
