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pire, ouvrages qui atteignirent, en même temps qu’un grand nombre d’éditions, les dernières limites du bourgeoisisme chauvin. — M. Thiers fonda le National en 1830, contribua à renverser Charles X, ce qui était très-bien, et à le remplacer par Louis-Philippe, ce qui était très-mal. Ce premier tour de gobelet lui valut une place de Conseiller d’État et de Secrétaire général au ministère des finances ; tout s’explique. Foudre de guerre en 1830, M. Thiers voulait absolument que l’on courût délivrer la Pologne et l’Italie ; mais un an après on le vit conseiller la paix à tout prix et la résignation aux traités de 1815 ; l’hiver rigoureux de 1830 avait gelé ses opinions démocratiques à peine en fleur.

En 1830, il défendit l’hérédité de la pairie ; ce qui équivalait à soutenir que le fils d’un maître de ballet, fût-il pied-bot, est de droit professeur de danse. À la suite de l’attentat Fieschi, M. Thiers qui avait fulminé contre les ordonnances de juillet, muselant la presse, appuya les lois de septembre qui tuaient une trentaine de journaux avancés. Interpellé sur le peu de fixité de ses principes, il répondit par cet axiome resté célèbre : La liberté de la presse est une échèlle qui sert à escalader le pouvoir, mais que l’on doit avoir le soin de repousser du pied quand on est en haut du mur. En 1840 M. Thiers fit fortifier Paris dont il devait plus tard faire le siége. Il a été une quinzaine de fois ministre, donnant sa démission, boudant Louis-Philippe le dimanche, lui souriant le lundi ; reprenant le portefeuille, le rejetant, le rattrapant tour à tour et jouant, vis-à-vis du pouvoir, le rôle de grande coquette, Chargé dans la nuit du 23 au 24 février 1848 de composer un ministère libéral de la dernière heure, il arriva trop tard et fut battu par la République de trois longueurs de barricade. Il se rallia au nouveau gouvernement (parbleu !…) et vota entre autres mesures démocratiques, l’expédition de Rome, la suppression des clubs et la présidence de Louis-Napoléon, dont il avait naguère combattu énergiquement la candidature. Exilé par erreur sans doute, lors du coup d’État, il reçut six mois après l’audorisation de rentrer en France. On raconte à ce propos que Napoléon répondit à ceux de ses amis qui désapprouvaient cet acte et clémence : « Bah !… ces gens-là ne font de mal qu’aux gouvernements qu’ils servent ; je ne l’emploierai pas, voilà tout. » En 1863 il siégea de nouveau au corps législatif, et prit rang sur les