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conforme au vieux règlement législatif du vieux père Schneider. — Quelques mois après, M. Jules Favre se prononça contre le principe du mandat impératif avec la véhémence d’un bonnetier qui débine les produits de son concurrent. « Le mandat impératif, aurait dit M. Jules Favre, est le fit à la patte qui empêche les candidats républicains de voltiger, une fois qu’ils sont élus, dans les frais ombrages réactionnaires… » — M. Jules Favre a été élu membre de l’Académie, le 2 mai 1867 ; son discours de réception, qui fut une profession de foi d’un spiritualisme à en lézarder la voûte céleste, dura trois heures un quart et fit suer de l’eau bénite à tous les illustres assoupis ses collègues. — Jusqu’à l’époque de nos récents désastres, M. Jules Favre s’était contenté d’employer son immense talent à n’être utile en rien à la cause qu’il prétendait servir ; mais enfin, il ne lui faisait pas grand mal ; après nos premiers revers, ce fut autre chose, il prit à tâche, aidé par ses confrères de l’opposition en pantoufles, d’augmenter les conséquences de nos malheurs. Après Wissembourg et Reichshoffen, le peuple attendait de ces messieurs qu’ils provoquassent la déchéance de l’Empire ; rien ne leur était plus aisé, ils pouvaient encore sauver la France ; mais comme il leur fallait pour cela avoir de l’audace pendant dix minutes sans dormir, ils préférèrent laisser aller les choses et ne pas braver la fureur des Cassagnac. — Après Sedan, M. Jules Favre et ses bouillants confrères n’osaient encore pas prononcer le mot déchéance, et il fallut que le peuple leur poussât les reins pour qu’ils renversassent l’Empire et proclamassent la République, ce qu’ils firent d’ailleurs avec la timidité d’un collégien de seize ans à qui une femme mariée fait des avances. — À peine à la tête de la République, le premier soin de M. Jules Favre fut d’aller à Ferrières, prier M. de Bismark de piétiner dessus avec ses plus grosses bottes. M. de Bismark ne se le fit pas dire deux fois, et M. Jules Favre en se retirant fut obligé d’emprunter huit mouchoirs de poche au grand chancelier pour éponger ses larmes devenues célèbres. — Ce fut à la suite de cet entretien que Monsieur Jules Favre prononça ces fameuses paroles : Nous ne céderons ni un pouce de notre territoire ni une pierre de nos forteresses, phrase qui fit bondir la France d’enthousiasme et lui permit un instant d’espérer qu’elle avait enfin mis la main sur un nouveau Danton ; malheureusement M. Jules Favre n’était qu’un Danton humide. — Depuis ce moment M. Jules Favre ne marcha plus que de défaillance en défaillance, de sanglot en sanglot. Il