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« Français !… Vous avez devant vous le neveu de l’Empereur… de l’empereur qui a ruiné le pays en hommes et en argent !… Soldats !… je viens à vous, et la main sur mon cœur, je dis à la France : Veux-tu redoubler ?… » En prononçant le dernier mot de sa harangue, le prince Napoléon fait un signe à Persigny, qui reprend l’air de la reine Hortense. Trois ou quatre vieilles brisques du régiment crient : vive l’Empereur !… Déjà le prince a donné l’ordre de télégraphier à toute la France le changement de gouvernement ; déjà Persigny, qui fut toujours un esprit positif, s’apprête à faire la quête, quand tout à coup, d’un formidable coup de poing, le lieutenant Taillandier enfonce à Persigny son chapeau jusqu’aux reins et met la main au collet du prince, rétablissant, en moins de temps qu’il n’en faut pour le raconter, l’ordre un instant troublé par ces deux saltimbanques. — Le prince Louis fut déporté en Amérique pour toute punition. Plus tard, Louis-Philippe eut à se repentir de sa faiblesse, et la chronique lui attribue ce mot à propos de Louis-Napoléon : « Ce n’est pas dans le nouveau monde que j’aurais dû l’envoyer, c’est dans l’autre. » L’année suivante il revint dans le canton de Thurgovie. Le gouvernement français, redoutant quelque nouvelle tentative de sa part, demanda son éloignement à la République helvétique. — Pas grosse, la République suisse !… mais du nerf !… — Elle refusa net, et comme la France faisait mine de se fâcher, elle leva crânement sa poignée d’hommes, et se campant devant le colosse, elle lui dit : « Comme tu voudras !… » Bravo ! la petite !… Certes, le pierrot ne valait pas tant de dévouement ; mais pour le principe, bravo ! la petite !… — Heureusement le différend s’apaise, le prince Napoléon ayant quitté volontairement la Suisse, pour éviter, a-t-on dit, que le sang coulât à cause de lui ; nous n’en croyons rien, il n’y regardait pas de si près. — Louis-Napoléon se réfugia à Londres où il se remit à faire des brochures socialistes jusqu’en 1840, époque à laquelle il tenta à Boulogne son nouveau coup d’État au lard, trop connu pour que nous en refassions ici l’histoire. Tout le monde sait, en effet, qu’ayant privé et avachi par des moyens honteux un vieil aigle fourbu, il le posa sur son épaule après avoir mis un morceau de jambonneau dans son châpeau pour le retenir, et débarqua à Boulogne le 6 août afin de se faire reconnaître comme empereur des Français. Personne n’ignore que ce vieil aigle ramolli, entendant le coup de pistolet que le prince tira sur le capitaine Col-Puygelier, poussa la frayeur jusqu’à déshonorer le collet de la