Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

par l’avancement rapide qu’il reçut ; car nous ne nous permettrions pas de supposer, un seul instant, que dans la plus sainte des carrières, les protections pussent, comme dans les administrations profanes, passer la jambe aux véritables talents. — Chanoine à trente-trois ans, archevêque à trente-cinq, cardinal à quarante-huit, il fut élu pape en juin 1846, à la grande satisfaction du peuple romain, qui, comme tous les autres peuples, changeait de roi avec un certain plaisir, s’imaginent toujours qu’il allait mettre la main sur un meilleur. — Hâtons-nous de dire que le nouveau souverain justifia cette confiance : il se montra libéral pendant au moins… Oh ! nous n’exagerons pas ; pendant au moins… six semaines. Il accorda une amnistie politique sans réserves, soumit le clergé à l’impôt, renvoya sa garde de Suisses, diminua les dépenses de la Cour, etc… Les Romains étaient dans l’enthousiasme et s’embrassaient sur les trottoirs en s’écriant : Bien sûr, il va finir par proclamer la République !… — Cette allégresse, hélas !… ne dura pas longtemps ; elle tomba avec la facilité d’une omelette soufflée sur laquelle Dumaine s’assiérait. — On trouva qu’il mettait trop de lenteur à armer la garde nationale ; quelques mesures rétrogrades qu’il prit, et surtout l’exemple de la révolution de février 1848, rendirent les Romains plus exigeants, et ils réclamèrent du Pape une constitution. — Pie IX leur répondit : « Oh ! si ce n’est que cela, je vais vous en faire une. » Il leur fabriqua une constitution modèle, avec pouvoirs ecclésiastiques, musèlement de la presse, suppression du droit de réunion, etc…, etc…, tout ce qu’il faut enfin pour régner tranquillement sur un peuple. — Contre son gré, il dut céder à l’opinion publique qui poussait à la guerre’d’indépendance contre l’Autriche, et il donna l’ordre au général Durando, à la tête de 17 000 hommes, de se diriger sur le Pô. On raconte, à ce sujet, que le prince Napoléon, en aprenant cette nouvelle, fut consterné de n’avoir point été chargé d’une mission qui était si bien dans ses moyens. — Le 16 novembre 1848, une émeute éclata à Rome et Pie IX alla demander l’hospitalité au roi de Naples. Comme on n’avait pas besoin de lui pour proclamer la République, on s’en passa ; et le 6 février 1849 il fut déclaré déchu de son pouvoir temporel. Bien entendu, on se garda bien de toucher à son monopole d’exploitation des indulgences, gros, demi-gros, détail, et exportation. — C’est ici qu’apparut dans toute sa majesté, la grandeur d’âme du fondé de pouvoirs de Dieu sur la terre : Pie IX, comme le plus vulgaire des Bourbons, n’hésita pas à armer l’étranger contre son pays pour reconquerir son trône. — La France eut l’unique honneur, en sa qualité de fille aînée de l’Église, d’envoyer les premières bombes aux républicains italiens, et de rendre au Pape ses palais, ses trésors, son trône et autres accessoires, sans lesquels il était convenu, paraît-il, qu’un Pape ne pourrait prêcher l’humilité chrétienne. — En 1859 et 1860, des révolutions successives dépossédèrent Pie IX au profit de Victor-Emmanuel de la presque totalité de l’antique patrimoine de saint Pierre. Ce n’est pas sans