Page:Touchatout - Le Trombinoscope, Volume 1, 1871.djvu/16

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mois et un jour avant sa naissance, sans consulter sa vocation, le destinèrent à régner sur la France. — Il est aujourd’hui le chef platonique de l’ancienne maison d’Orléans, dans laquelle son grand-père fit une brillante fortune et qu’il se propose de rouvrir incessamment dans l’un des plus grands locaux-actuellement en assez mauvais état — de la rue de Rivoli. — Le 24 février 1848, il y avait à peine six mois qu’il ne déshonorait plus sa paillasse la nuit, la duchesse d’Orléans, sa mère, lui dit en lui mettant ses bas et sa petite culotte fendue par derrière : « Toto… les Parisiens viennent de renvoyer ton grand-père, le moment est venu d’aller nous montrer au peuple !… » et elle emmena le jeune prince à la chambre des députés, envahie par l’insurrection, afin d’essayer sur la vile multitude un effet de veuve pâle et de mère éplorée, sur lequel elle fondait les plus brillantes espérances. Cette mise en scène, qui eût peut-être obtenu un succès fou à l’Ambigu avec Lucie Mabire dans le rôle de la mère, tomba à plat ; et le peuple, si facile à attendrir d’ordinaire, se contenta de répondre : « Nous sortons d’en prendre… le sapin de madame la duchesse et de monsieur son fils les attend en bas. » La duchesse emmena Toto, qui n’y comprenait pas grand’chose, lui acheta un éclair au chocolat chez un pâtissier de la rue Royale en lui disant : « Mon fils… souviens-toi toujours de ce que tu viens de voir !… ces gens mal mis qui nous flanquent à la porte, c’est ton peuple ; si un jour tu remets la main dessus… du reste, je t’expliquerai ça en Angleterre. » L’héritier de la couronne de France répondit : « Oui, m’man, » tout en se barbouillant les lèvres de chocolat jusqu’au coude, et douze heures après, la royauté française, balayée des Tuileries, s’en allait encore une fois monter en graine sur le sol étranger. — À partir de ce moment, et pendant une douzaine d’années, l’existence du comte de Paris n’offrit rien de remarquable. Confié aux soins des professeurs Regnier, de l’Institut, et Baudoin, célèbre mathématicien, il termina ses études littéraires et scientifiques, suivant d’un œil attentif le mouvement politique de la France, toujours prêt à lui offrir ses services et un abri protecteur sous l’illustre parapluie de ses ancêtres. — Il voyagea dans toute l’Europe, apprit plusieurs langues étrangères, et fit avec son frère, le duc de Chartres, la guerre d’Amérique dans les rangs de l’armée fédérale ; cet acte de libéralisme, qui ne lui coûta, du reste, pas la vie, puisqu’il avait eu la présence d’esprit de l’accomplir en qualité de capitaine d’état-major du général Mac Clellan, fut généralement considéré comme un prospectus envoyé indirectement à la nation française et dont la traduction peut se résumer ainsi :

« L’unique représentant de la maison Philippe a l’honneur de rappeler à la France qu’il est toujours là et la prie de remar-