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que chose, ce qui a fait dire qu’il n’avait pas son pareil pour se rattacher aux branches… aînées et cadettes. — M. Émile de Girardin a vendu une fois la Presse à M. Millaud, l’a reprise et l’a revendue à M. Mirès. Il a fondé la Liberté, et l’a vendue à son neveu, M. Detroyat, tout récemment. C’est une spécialité comme celle des gens qui ouvrent des cafés a toutes les encoignures et les vendent trois mois après. — Entr’autres campagnes, toutes plus brillantes et plus honorables les unes que les autres, M. de Girardin a soutenu la Russie contre les Polonais ; il a oublié de donner son avis sur Tropmann ; mais on pense généralement que si on le lui avait demandé, il aurait prouvé que tous les torts venaient de la famille Kinck. — Outre son duel funeste contre Armand Carrel, M. de Girardin a eu plusieurs affaires d’honneur. La dernière, qui a avorté, M. de Girardin ayant refusé de se battre, fit pourtant un certain bruit dans une loge de l’Opéra, où M. Émile Pagès, qu’il avait insulté, vint applaudir Roger sur sa figure ; ce qui fit dire au Tintamarre du dimanche suivant : « La représentation du Prophète, a été fort belle vendredi, la salle était comble, tout le Paris élégant occupait les loges, M. de Girardin était à la claque. »

Au physique, M. de Girardin n’est pas beau ; il aurait très-peu de chose à faire, s’il le voulait, pour ressembler à Émile Ollivier. — Au moral aussi. — Pendant longtemps, il a porté une mèche de cheveux qui en s’allongeant, lui arrivait entre les deux yeux : ça l’a fait loucher ; maintenant il n’a plus de mèche parce qu’il n’a plus de cheveux ; mais il louche toujours. — On ne sait pas au juste s’il a perdu ses cheveux à la Bourse ; s’il en est ainsi, c’était certainement une perruque ; car, à la Bourse, il n’a jamais perdu que ce qui était aux autres. — Il est faible de complexion depuis soixante-cinq ans ; pendant sa jeunesse, il avait voulu se faire soldat et fut refusé à cause de cela : les chirurgiens-majors sont bien amusants. — Il a le teint bilieux particulier aux gens qui travaillent à renverser tous les gouvernements dans l’espoir d’attraper un ministère et ne l’attrapent jamais. — Il passe pour un excellent camarade signant tous les bons articles de ses collaborateurs et ne souffrant pas de réputations à côté de la sienne. Mirecourt raconte à ce propos que Weill, ayant publié dans la Presse une série qui avait fait une grande sensation, M. de Girardin en arrêta la publication par jalousie ; nous demandons pardon à nos lecteurs de la trivialité de la comparaison ; mais nous trouvons que le dicton populaire : Tais-donc ta gueule qu’on entende la mienne !… peint si bien la situation, que nous n’avons pu résister au désir de le rappeler ici. — Du reste, M. de Girardin, dans sa vie privée, est un homme charmant : les jeunes journalistes reçoivent de lui d’excellents