brusque changement expliquerait assez que ses parents ne l’aient pas reconnu. Jusqu’à l’âge de vingt-cinq ans, il fut commis d’agent de change et se disposait à devenir agent de changement, sous le nom de Delamothe. Dix ans plus tard, d’ailleurs, le général Alexandre de Girardin déclara être son père. Il fallait donc le dire tout de suite !… Nommé inspecteur des Beaux-Arts, sous le ministère Martignac, il gagna des appointements en fondant deux journaux, le Voleur et la Mode ; et ne prévoyant pas encore qu’il deviendrait républicain en 1848, il fit couver cette dernière feuille par la duchesse de Berry, dont les armoiries ornaient chaque numéro. Il fonda, en 1831, le Journal des Connaissances utiles, au nombre desquelles connaissances utiles, il oublia de faire figurer le danger qu’il y avait pour les actionnaires à souscrire aux Mines de Saint-Bérain ; autres choses itout qu’il devait lancer plus tard. Comme il avait fait subventionner la Mode par la duchesse de Berry, il sut faire subventionner son Panthéon littéraire par M. Guizot. Cet homme intelligent eût fait subventionner le Radical par le général Ducrot, si le Radical lui eût appartenu. Rien ne nous ôtera de l’idée que, sur certains crânes humains, la bosse de la subvention existe. Gall l’a oubliée ; mais elle y est. Il fonda la Presse (1836), tira de suite à un grand nombre d’exemplaires et sur Armand Carrel qu’il tua en duel. Député en 1848, il vota avec la Montagne, tout comme si la duchesse de Berry et le ministère Guizot n’avaient jamais subventionné ses anciens journaux, et finit par inventer en 1852 la candidature du prince de Joinville-le-Pot à la présidence de la République, après avoir, quatre ans auparavant, soutenu celle de Louis-Napoléon. Depuis cette époque, la contenance de M. Emile de Girardin n’a plus été qu’une longue suite de travestissements et de changements à vue dont l’exiguité de notre format nous interdit l’énumération. Nos lecteurs se rendront, d’ailleurs, facilement compte des évolutions de ce Clodoche politique en se transportant dans n’importe quel magasin de costumier, et en essayant, pendant une demi-heure devant une glace, les habillements les plus variés de coupe et de couleur. Ils pourront faire quelques grimaces pour obtenir un résultat plus complet. — M. de Girardin a donné au théâtre deux drames : le Supplice d’une femme, qui a obtenu un grand retentissement, grâce à sa mise sur pied par Alexandre Dumas fils ; mais toujours modeste, et voulant prouver que Dumas n’avait été pour rien dans ce succès, il donna, à lui tout seul, les Deux Sœurs, qui eurent environ une représentation et demie. — M. de Girardin a été dans l’intimité du prince Napoléon, comme il avait été le protégé de la duchesse de Berry, et s’était fait le souteneur du prince de Joinville, tous les parents de monarques lui devaient quel-
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