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l’intention de surveiller les hommes du gouvernement provisoire qui lui semblaient un peu pain d’épices et, selon sa propre expression, pour « leur barrer le chemin en arrière. » Il faudrait n’avoir lu l’histoire d’aucune révolution pour ne pas admirer cette simple phrase de Blanqui : Barrer le chemin en, arrière. Cette pensée d’une profondeur amère est un chef-d’œuvre, et dans ces cinq mots, il est impossible de ne pas revoir tous les enthousiasmes et toutes les déceptions qui, tour à tour, soulèvent le peuple et le découragent à chacune des crises pendant lesquelles la liberté lui apparaît un instant pour s’évanouir aussitôt. Il voulait donc leur barrer le chemin en arrière et les empêcher d’avoir peur de leur audace. Il avait raison ; les révolutions seront toujours de grandes duperies pour le peuple, tant que les hommes qui se mettront à sa tête ne seront que des pygmées assez ambitieux pour déchaîner le torrent ; mais assez timides pour s’affoler de sa puissance. — Du premier coup d’œil, Blanqui vit à quel genre de République il avait affaire ; il reconnut bien vite que si l’étiquette de la fiole était changée, le contenu était le même ; il fonda le club de la Société Républicaine et attendit. C’est à cette époque que Blanqui fut accusé d’avoir trahi ses complices de l’insurrection de 1839. On publia un soi-disant rapport qu’il aurait fait sur eux ; et Barbès, lui-même, dit-on, crut à la culpabilité de Blanqui. Hélas !… pourquoi faut-il que ces déplorables scènes se renouvellent pour ainsi dire périodiquement ? Barbès croyant que Blanqui est un vendu, Rochefort accusant Vermorel d’être un mouchard !… Triste, triste. Il y a des moments où les républicains pensent bien peu à la République !… — À la suite du 15 mai, Blanqui fut arrêté et condamné à dix années de détention. Enfermé à Belle-Isle-en-Mer, — il tenta de s’évader ; on ne sait pas trop pourquoi, par exemple ; on suppose pourtant que si Blanqui cherchait à sortir de prison, ce ne pouvait être que pour avoir le plaisir d’y rentrer. En effet, rendu à la liberté par l’amnistie de 1859, il fut condamné à quatre ans d’emprisonnement en 1862 sous l’inculpation de société secrète. Compromis en 1870 dans l’affaire des pompiers de la Villette, il fut amnistié par le 4 septembre et manqua là une belle occasion d’ajouter une vingtaine d’années de prison à son addition. — Pendant le Siége de Paris il fonda la Patrie en danger et fut de nouveau condamné a mort — Vous numérotez toujours, n’est-ce pas ? — à la suite des événements du 31 octobre ; seulement, il était en fuite et fut arrêté à Cahors. — On sait le reste : sa détention préventive de près d’une année (une goutte d’eau dans l’océan), la révision toute récente de son jugement et sa condamnation à perpétuité pour l’affaire du 31 octobre. Il avait été question, pendant qu’on y était, de le faire repasser en jugement pour les émeutes de 1827 ; mais on verra ça plus tard.

Au physique, Blanqui est un homme de taille moyenne, il est pâle comme un volume d’Assolant, les joues sont plus creuses qu’un discours de Jules Simon, et la lèvre presque aussi mince que