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DEUXIÈME PARTIE

crédule, commença à souffrir du soupçon. Aussi bien, des femmes jalouses prirent-elles soin de lui ouvrir les yeux.

Il en résulta des scènes de ménage, où Mme Borg fit entendre à son mari qu’elle se dévouait à lui créer des sympathies et qu’il n’eût point à se donner le ridicule d’un jaloux :

— Si tu crois pouvoir marcher seul, essaye donc !… tu verras.

En effet, il ne tarda point à constater qu’il devait à sa femme les faveurs qu’il croyait dues à son talent. Dès lors, la jalousie empoisonna son existence, il fut d’autant plus humilié qu’il était plus orgueilleux. Honnête, au fond, il essaya de rompre des relations suspectes ; il s’aigrit, devint amer, agressif au point de faire un esclandre où sa réputation se perdit sans retour.

Le monde lui tint rigueur… Bousculé par ceux-là même qui l’accueillaient naguère, il ne tarda point à descendre la côte qu’il avait si aisément gravie.

À force de travail, il put se maintenir dans la médiocrité. Bientôt la maladie le surprit. Sujet à des bronchites qui l’obligeaient à garder la chambre, il perdit la plupart de ses leçons et le revenu de ses concerts Essayant de lutter contre l’infortune, il composa une tragédie lyrique, mais, ne trouvant pas les subsides qui en eussent payé le décor, le malheureux, désabusé, la laissa dans ses cartons.

Sa femme, qui le soignait sans ardeur, lui reprochait