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DEUXIÈME PARTIE

d’âmes qui les émouvait tant à Gerseau. Ils le sentaient, et cette impression, rappelant à Lucienne les confidences de ce temps-là, lui fit demander :

— Mais votre livre… l’avez-vous commencé, déjà ?

— Comment voulez-vous ?

— C’est vrai. On n’a plus le courage de rien.

À ce moment, des cris s’élevèrent de la rue, et l’on entendit un sabotement de chevaux.

L’écrivain ouvrit la porte.

« Vive la France !… Vivent nos alliés !… »

C’était une colonne de cavaliers français. On apprit, dans la suite, qu’ils amenaient des chevaux de remonte ; mais le public voyait en eux l’avant-garde des sauveurs.

Penchés sur leurs montures, ils prenaient au passage le verre d’eau, le paquet de cigarettes, la grappe de raisin que leur tendait la foule. Et, gris de poussière comme leurs chevaux, ils avaient l’apparence émouvante « des choses qui ont beaucoup servi ».

Quand ils se furent éloignés, Philippe prit congé de Lucienne.

— Vous n’oublierez pas d’aller voir Axel Borg ?

— Non, j’irai tout de suite.

Et ils se quittèrent, déçus d’une entrevue qui leur laissait un sentiment de banalité.

Philippe se dirigea vers le quartier où « ce pauvre Axel Borg » occupait le cinquième étage d’une maison de rapport.

— On n’épouse pas des femmes comme la sienne, se