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DEUXIÈME PARTIE

Sur le seuil d’une maison, trois hommes paraissent, puis deux femmes qui s’essuient les yeux.

Impatients d’échapper à l’émotion du départ, les hommes s’en vont aussitôt, avec une raideur que l’on sent affectée.

— En avant ! dit Sauvelain.

— Ne te retourne pas, dit Héloir.

Mais le plus jeune, au coin de la rue, sent son masque de crânerie lui tomber tout à coup. Il s’arrête, jetant un dernier regard à la maison où sa mère tend les bras…

— Allons, petit… du courage !

C’est Sauvelain qui appelle son fils.

Il voit Yvonne, que Marthe retient d’accourir, de reprendre son enfant.

— Dépêche-toi ! Bon Dieu !…

Et les trois hommes continuent leur chemin, sans plus tourner la tête.

Sous les arbres du boulevard, les chevaux s’éloignent, soulevant de la poussière. La porte s’est fermée ; puis le soleil, sortant des nuages, resplendit dans les brumailles du matin…


Bientôt la ville se transforma en une vaste ambulance. Chacun prit la fièvre de la Croix-Rouge, après le départ des soldats. On faisait provision de pansements, on plumait de la charpie, on allait à la gare attendre l’arrivée du premier convoi. Hôtels, couvents, maisons particulières s’organisaient pour recevoir des blessés.