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L’EXODE

disait disposé à épouser une jolie fille qui lui apporterait de quoi s’offrir une Daimler ou une Rolls-Royce. Au demeurant, le meilleur fils du monde. Actif, d’une volonté musculaire, prêt à tout, n’ayant peur de rien, il regardait la vie dans les yeux sans cligner les paupières.

Par défaut d’imagination, il se faisait une joie de partir pour le front, d’abord parce qu’il fallait bien se défendre, ensuite parce que l’attaque des Allemands réveillait en lui un instinct sportif.

— Je plains le uhlan qui lui tombera sous la baïonnette, reprit Yvonne. Je viens de recevoir une lettre de Léon, où il parle de les éventrer comme des pourceaux.

— Pauvre petit ! soupira Marthe.

— À quelle heure qu’il arrive ? demanda Lysette. Yvonne soupira, pâle et le visage angoissé :

— Demain matin, mignonne… Nous n’aurons qu’un demi-jour à passer ensemble !

— Alors je peux venir chez toi ?… je voudrais le voir jusqu’à la dernière minute.

— Oui, mignonne, mais tu tâcheras de ne pas pleurer… du moins devant lui.

— Il vaut mieux qu’il vienne ici, conseilla Marthe. Restons ensemble !


À l’aube… Tout dort sur le boulevard désert. Seul, un convoi de chevaux sabote vers les casernes — d’épais chevaux de labour que tirent de vieux paysans.