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DEUXIÈME PARTIE

trognes militaires, sa science du massacre et sa philosophie de la brutalité. On sent que pas un cœur ne battra pour elle, qu’en dépit de sa force, de sa richesse, de sa culture, de son organisation, elle n’a créé que la peur et la haine, tandis que la France, notre mère à tous, a porté dans ses flancs la liberté du monde…

Ainsi pensait Philippe, au milieu de la cohue qui suivait en chantant un petit soldat français…

Mais, brusquement, une auto s’arrête, un homme s’y met debout et brandit son chapeau. D’une voix enrouée par l’effort, il crie :

— Les Allemands sont repoussés à la frontière. Les Belges leur ont barré le chemin !

L’auto repart dans une ovation délirante, qui monte vers le ciel ensoleillé, où les drapeaux se déploient aux souffles de la première victoire…

Aux casernes d’Ixelles, se poursuit la mobilisation. Les rues tremblent au roulement des chariots ; sur les trottoirs, près des fusils alignés en faisceaux, des réservistes se reposent. On en voit dans les cafés, le verre au poing, devant le comptoir ; on en voit sur les bancs du Boulevard Militaire, à côté de leur « payse » qui s’essuie les yeux ; on en voit que leur famille accompagne : le père, la mère, les sœurs… Il y en a qui chantent, il y en a qui boivent pour se donner du courage ; il y en a qui fanfaronnent et parlent de « crever les Allemands ». Un civil gesticule, au seuil d’un cabaret :

— C’est à coups de botte que nous les reconduirons à la frontière. Comme çà, nom de…