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DEUXIÈME PARTIE

Mais il frissonne d’orgueil à la réponse fière et loyale de la Belgique, où résonne l’accent de l’honneur ; elle se refuse à faciliter les opérations allemandes ; elle est résolue à défendre sa neutralité : « Aucun intérêt stratégique ne justifie la violation du droit ».

Et cette seule phrase résume pour Philippe toutes les noblesses de la nature humaine.

Si étrangères qu’elles soient aux instincts de la foule, il s’émeut à les constater en elle. Chacun étouffe sous le sentiment d’une injustice ; des voix rauques insultent le colosse allemand, qui s’avilit à menacer un faible peuple inoffensif.

Dans les rues, la foule se déverse comme un fleuve, plein de courants et de remous. On assaille les marchands de journaux criant des éditions spéciales ; on se presse autour des orateurs grimpés sur des chaises, aux terrasses des cafés.

— Silence !

— Plus haut !

— Les troupes du Kaiser ont envahi notre territoire !

D’immenses clameurs s’élèvent, où se confondent les imprécations :

— Les lâches !

— Nous nous ferons tuer, mais les canailles ne passeront pas !

Et l’eau du fleuve, un moment barrée, se précipite entre les hautes façades, où des drapeaux commencent à fleurir.

Bientôt la ville est toute pavoisée. Aux boulevards,