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L’EXODE

donnait des raisons d’espérance. La faiblesse du pays semblait le protéger, et, bien que l’on tremblât, on ne se résignait point à croire que la Belgique pût être envahie !

Bientôt, d’ailleurs, toute crainte s’évanouit. Une affiche du bourgmestre Max annonça que la patrie n’était point en danger. Puis les journaux publièrent la déclaration du ministre d’Allemagne : « Les troupes allemandes ne traverseront pas le territoire belge. De graves événements vont se dérouler ; peut-être verrez-vous brûler le toit du voisin, mais l’incendie épargnera votre demeure ! »

On respira. L’angoisse fut dissipée, où l’on étouffait depuis deux jours.

Philippe étreignit Marthe et Lysette, comme s’ils venaient tous d’échapper à la mort.

Oubliant ses livres et son projet de voyage, il sortit se mêler à la joie publique, à ses concitoyens que le même péril avait menacés.

Encore tout frémissant de la terreur d’une invasion, Philippe songeait à son pays, que le colosse allemand eût écrasé de ses puissantes machines de guerre, et il s’étonna de constater en lui un sentiment qui, jusqu’alors, avait dormi dans les profondeurs indifférentes de son âme : celui de la solidarité nationale.

Que de fois, dans l’excès même de sa ferveur « humanitaire », n’avait-il pas pensé : « la patrie, c’est l’égoïsme collectif, une conception de douaniers ». Aujourd’hui,