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DEUXIÈME PARTIE

aux affaires de Serbie, il ne prit point la peine d’acheter un journal.

Indifférent à la politique, sur laquelle il n’avait aucun pouvoir, il continua d’écrire, de rêver, de s’abstraire du monde réel…

Mais, le lendemain, les nouvelles prirent un caractère si grave qu’il se répandit un frisson de terreur.

À la voix des camelots, des gens, nu-tête, coururent arracher les feuilles volantes qu’on s’arrêtait à lire sur les trottoirs. Puis on rentrait vite, on fermait sa porte, comme pour s’abriter à l’approche du malheur.

— C’est la guerre ! dit à Philippe un voisin qui se hâtait vers sa maison.

— La guerre ? se demanda l’écrivain. Non !… impossible… quel peuple oserait un tel crime ? Cela défie la conscience humaine.

Un moment après, les poings aux tempes, penché sur son journal, il se rendit à l’évidence.

Déjà l’Allemagne avait provoqué la Russie ; la France mobilisait, tout en gardant l’espoir d’une solution pacifique. Et le ciel ne se déchirait pas ! Il faisait beau ; la vie continuait de se répandre dans les rues. Il se pourrait donc que cette vie s’arrêtât, que le travail des hommes, leurs droits, leur liberté, leur existence même fussent bientôt jetés dans un brasier qui risquait de tout anéantir ?

Cela révoltait la raison !

La Belgique serait-elle prise dans la tourmente ? Chacun se posait l’angoissante question ; chacun se