Page:Torcy (Blieck) - L'exode, 1919.djvu/65

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
64
L’EXODE

Aussi, pour ne pas perdre un jour des précieux loisirs qu’il voulait consacrer à la littérature, commença-t-il de rassembler les notes indispensables à son roman.

Avant de partir pour la mer, avant d’écrire sa nouvelle œuvre, il se sentait impatient de préciser en lui cette morale passionnelle, si vague, si controversée, qui laissait tant de problèmes irrésolus.

Déjà, il entrevoyait, au-dessus de l’égoïsme et de la méfiance, qui nous retiennent dans les bas-fonds de la vie, un idéal à vrai dire assez confus et qu’il souffrait de ne pouvoir définir davantage, mais au sein duquel pourraient enfin se déverser nos besoins d’altruisme, d’amour et de dévouement.

Jusqu’alors, il avait souffert dans la solitude où la société nous condamne, et le meilleur de ses forces, qu’il aurait pu consacrer à son art, s’était perdu en luttes stériles, en travail sans beauté, au milieu d’une cohue, d’un désordre stupide et féroce où l’on s’exploitait les uns les autres.

Enfin, il était parvenu à se libérer suffisamment des entraves matérielles pour marcher vers son but, sans trébucher à chaque pas sur les obstacles du chemin.

Le front baissé sur ses livres, tandis que Marthe lui épargnait le souci des bagages et des ennuyeuses réalités, il rêvait à des utopies morales, quand une clameur s’éleva au loin, et Philippe reconnut bientôt les cris intéressés des marchands de journaux.

Sachant, depuis le matin, que l’opinion s’émouvait