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L’EXODE

La semaine suivante, les Anglais quittèrent l’hôtel. On parla d’eux, le soir, en voyant leurs places vides, puis on les oublia, comme tant de visages de la vie qui passent et disparaissent en ne laissant aucun souvenir.

À quelque temps de là, sur le bateau qui les conduisait à Morcote — village de la rive italienne, aux environs de Lugano — Lucienne dit à Philippe :

— J’ai découpé pour vous, dans le journal de Lausanne, un fait divers où il est question, je crois, de nos Anglais…

— Vraiment ?… Montrez voir…

— Pas ici, maman nous regarde, elle demanderait des explications, et ce sont là des choses qu’elle ne peut comprendre…

V

Après une heure de voyage, on descendit à Morcote, qui n’est qu’un nœud de ruelles aux maisons crevassées par le temps, mais dont la ligne est pittoresque et la couleur opulente. Les femmes, à l’ombre d’une arcade, sourient à l’étranger qui passe ; les hommes semblent heureux de leur simple vie de pêcheurs ; les enfants, brunis par le soleil, ont des yeux brillants et noirs comme des perles de cassis ; et l’on sent, à flâner dans ces rues d’un autre âge, une civilisation où l’art tenait la place qu’à usurpée l’argent.

Philippe s’exaltait à voir la grâce audacieuse d’une