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L’EXODE

Sans l’exposer davantage, elle se dépêcha vers la sortie.

Un long coup de vent souleva la poussière du chemin, quelques lampions prirent feu, d’autres s’éteignirent ; bientôt de larges gouttes annoncèrent une averse. Des gens fuirent vers leur hôtel et vers l’auberge, où les musiciens, à leur tour, furent contraints de s’abriter.

Voyant partir les deux étudiants, Lysette s’envola, sans laisser à son père l’occasion de la retenir.

— Et nous ? demanda-t-il à Lucienne.

— Restons ! Nous ne sommes pas mal ici.

— Voulez-vous aller à l’intérieur ?

— Pourquoi faire ? C’est bourré, d’ailleurs…

La pluie tomba, une vraie pluie d’orage. En un instant, les lampions s’éteignirent, puis se décollèrent. Des fulgurations éclairaient le village, les pics neigeux, les chaumières accrochées au penchant des collines, l’eau du lac hérissée de gouttelettes, les sapins qui résistaient au vent…

Accoudé devant Lucienne, Philippe lui demanda :

— Elle vous amuse, la Suisse ?

— Pas trop. Et vous ?

— Moi, non. Si nous partions pour l’Italie ?

— Vous savez bien qu’il y fait trop chaud !

— Qu’importe ! Nous y verrions au moins des œuvres d’art… au lieu de ces éternelles montagnes qui vous oppressent à ne pouvoir respirer.

— Croyez-vous que ce soient les montagnes ?