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PREMIÈRE PARTIE

— T’agite pas ! fit Lysette. J’ai ton parapluie.

— Oh ! toi, reprit sa mère, je devine pourquoi tu nous as tirés jusqu’ici.

Elle venait d’apercevoir deux étudiants à une table voisine, les mêmes qu’on rencontrait chaque jour à la promenade, au salon de l’hôtel, rôdant autour de sa fille, qui semblait flattée de leur attention.

Des mandolinistes grattèrent un prélude et se mirent à chanter. Bien que la musique fût assez banale, elle plaisait par sa mélodie facile, et l’on s’en abreuvait, comme d’un vin léger qui désaltère en grisant un peu. Elle évoquait le pays du soleil, de l’amour, de la beauté, le pays dont chacun rêve, où la vie est plus libre, le ciel plus pur et les gens plus joyeux…

— Un éclair ! s’écria Marthe.

— Mais non, tu dois te tromper.

— Je vous dis que je l’ai vu là-bas !… L’orage approche.

En effet, bientôt des souffles précurseurs agitèrent le feuillage et balancèrent les lampions allumés. Un roulement lointain apporta l’inquiétude ; les Italiens chantèrent plus fort, espérant détourner l’attention…

— Si vous m’en croyez, dit Marthe, il vaut mieux partir ; avant peu, nous serons en plein orage.

— Pauvres musiciens ! soupira Lysette ; si tout le monde s’en va, ils perdront leur soirée.

— Oh ! bien, reste avec ton père et Lucienne ! Moi, je crains pour ma robe. Si je ne rentre pas à temps, je la tiens perdue.