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PREMIÈRE PARTIE

travail et réglant sa vie au point de l’accabler sous un programme, où les promenades et les études lui laissaient à peine le loisir de respirer.

Depuis son veuvage, Mme Fontanet tremblait à la pensée de l’amour qui rôdait autour de Lucienne. Avec une jalouse inquiétude, elle tâchait de le détourner, tant elle avait peur, si Lucienne se mariait, de vivre dans l’abandon, loin de sa fille, qu’un autre enlèverait à son affection. Aussi éveillait-elle en Lucienne des ambitions intellectuelles, espérant distraire son cœur en flattant sa vanité.

— Après tout, conclut Philippe, elle est revenue de son désert, votre Isabelle, et encore, pour faire comme tout le monde, pour prendre un mari.

— Croyez-vous donc qu’il soit bien facile de trouver un mari ?

— Cela se voit tous les jours.

— Je ne dis pas… Moi aussi, j’ai pu faire un mariage de raison, auquel je ne me suis pas résignée, un mariage de convenance, qui eût été la joie de ma mère, et même un mariage d’amour. Seulement, il était déraisonnable…

— Avec le baron ?

— Oui.

Il l’avait éblouie à Ostende, l’été précédent. Mondain superficiel et distingué, il séduisait par des allures d’aristocrate accoutumé au luxe, à la grande vie…

Mais il se montra si âprement intéressé, quand on débattit la question de la dot, que Lucienne s’aperçut