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L’EXODE

— Mais, si je ne désire pas y échapper ? Si, par hasard, je voulais vivre ?

— Qu’appelez-vous vivre ?

— Et vous ?

— Moi, c’est différent, je suis « fixé »… Si j’étais libre, et si j’en avais les moyens, je ferais le tour de la planète.

— C’est cela que vous appelez vivre ? J’appelle cela se déplacer.

— Pas mal !

— Je vous étonne ?

— Un peu, je l’avoue.

— Naturellement ! Une jeune fille ne peut avoir que des idées superficielles.

— Oh ! vous savez bien…

— Ne vous excusez pas, c’est l’opinion générale.

Et, jetant sur la table un livre qu’elle prit sur ses genoux :

— Voici l’histoire d’une jeune fille qui a voulu vivre, qui a tourné le dos à l’existence de poupée mécanique… Vous connaissez ?

— Oui, dit Philippe, ayant vu le nom d’Isabelle Eberhardt. Avez-vous l’intention de fuir au désert, de vous habiller en homme et de galoper vers l’indépendance ?

— Dieu, non !… maman serait bien capable de m’y poursuivre en auto et de me rendre à mes professeurs.

Philippe sourit, sachant que Mme Fontanet élevait sa fille avec une sévère sollicitude, l’accoutumant au