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PREMIÈRE PARTIE

l’exploitation des uns par les autres, le gaspillage, l’égoïsme…

D’une part, la brutale affirmation de l’individu, de l’autre, son esclavage ; une morale darwinienne pour les forts ; pour les faibles, un évangile de résignation…

Mais, le train passant une gare, le compartiment s’éclaira. Marthe et Lysette s’étaient endormies ; Lucienne, enveloppée d’un châle, avait les yeux ouverts. Elle sourit à Philippe avec une expression de tristesse ; puis chacun, dans son coin, se reprit à songer.

Vers l’aube, vaincu par la fatigue, Philippe se coucha près de Lysette, et le train, de son bruit monotone, lui déroula quelques heures de sommeil.

II

Le village de Gerseau accroche péniblement ses hôtels, ses chalets, son église au flanc d’une montagne d’où se précipite un ruisseau bouillonnant. Comme terrain plat : un ourlet de chemin au bord du lac. Au loin, le Pilate, le Righi, d’autres glaciers célèbres enfoncent leurs sommets dans les nuages. Partout, des monts énormes où des forêts de sapins se réduisent à l’apparence de moisissures, et, dans la grandeur du paysage, les maisons blanches, éparpillées le long des rives, ressemblent à des flocons de neige tombés de là-haut dans le vert des pâturages. Le clocher de l’église