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balustrades des villas, les femmes s’accoudaient, pensives ; des messieurs regardaient les sous-marins nager le long des côtes et la fumée des croiseurs s’allonger sur le ciel comme un ruban se déroule.

Protégée par sa flotte, l’Angleterre dormait dans une heureuse inconscience des événements terribles qui se passaient à une heure de chez elle, de l’autre côté de l’eau.

Cependant, les malles d’Ostende et de Calais dégorgeaient chaque jour un plus grand nombre de fugitifs. Mais la plupart étaient riches, avaient des bagages et descendaient à l’hôtel. Beaucoup d’entre eux se rendaient à Londres ; ils ne troublaient donc point la quiétude ensoleillée de cette belle fin de saison.

Bientôt, M. Asquith et lord Ctuzon déclarèrent que la Belgique avait bien mérité du monde. En préférant l’honneur à la sécurité, elle avait rendu un service inestimable, non seulement à l’Angleterre, mais à l’humanité.

Dès lors, les journaux s’émurent ; un mouvement charitable s’organisa d’un bout à l’autre du pays, et les pauvres fugitifs, qui s’échouaient à Folkestone, se sentirent moins misérables et moins abandonnés.

Par petits groupes, ils sortaient de la gare maritime, entre deux masses noires de curieux. Pendant des heures, ils défilaient, apportant l’image terrible de la guerre. On les entourait, on les accablait de questions ; la foule acclamait les blessés belges, que des autos conduisaient à l’hôpital. Une paysanne s’avancait, les