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TROISIÈME PARTIE

Soudain, traversant la barre d’écume, les sauveteurs reparurent. Bientôt, à mi-corps dans l’eau, ils apportèrent sur la plage des naufragés ruisselants, des femmes échevelées, quelques religieuses, une jeune fille évanouie dont la poitrine saignait.

Ces malheureux, partis d’Ostende, annoncèrent l’approche des Allemands. À peine sauvés de la mort et s’essuyant le visage, ils suppliaient les pêcheurs de les aider à fuir. Une horrible peur dilatait leurs paupières ; ceux qui avaient pu saisir leur bagage aussitôt se mirent à marcher vers la France ; d’autres, gesticulant, répandaient la terreur ; et M. Forestier, s’agitant parmi les mariniers, leur offrait des billets de banque, leur montrait le bateau où les femmes continuaient leurs appels de détresse. Grâce à l’arrivée des fugitifs, quelques hommes se dévouèrent.

On se battit pour grimper dans la barque où M. Forestier jeta ses valises. Quand elle fut pleine à chavirer, d’autres rescapés accoururent. Les plus audacieux s’avançaient dans la mer. Une religieuse, luttant des genoux contre les vagues, réussit à s’approcher du canot, au moment où celui-ci fut soulevé par le flot. On se pencha pour la saisir. Trop tard ! Une masse liquide la renversa.

On vit une main dans un éclaboussement d’écume, puis une lame se gonfla et la main disparut… Accroupis au fond du bateau, s’accrochant les uns aux autres, malades, culbutés par le roulis, les passagers s’abandonnaient aux fureurs de la tempête. La cha-