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L’EXODE

Comme en rêve, il entendit le marin parler dans la bourrasque, et il ne comprit pas ce que lui voulait cet homme, qui, le bras tendu, montrait la plage, où des femmes s’étaient rassemblées, dont les jupes claquaient au vent. Des cris aigus et des voix rauques percèrent la tempête :

— Eh ! hop !… Eh ! hop !

C’était la barque de sauvetage qu’on poussait dans les vagues : à cent mètres du bateau de pêche, un autre s’échouait, le mât brisé, la voile flottant sur l’eau.

L’instant d’après, douze rameurs saisirent les avirons et, d’un geste puissant, luttèrent contre la mer démontée. Gagnant un peu d’espace à chaque plongée des avirons, ils le perdaient, le regagnaient pour le perdre encore, et, redoublant d’efforts, ils se renversaient tous ensemble, sans se laisser vaincre par la mer.

Enfin, ils franchirent la barre d’écume qui se brisa sur eux…

Trop accablé par ses propres misères, M. Forestier ne donnait point d’attention à l’héroïsme des sauveteurs. Les bras en sémaphore, il tâchait de répondre aux signaux de Marthe et de sa femme, qu’il apercevait entre deux vagues, et dont les mouchoirs agités l’appelaient en vain.

Dans sa détresse, il courait de l’un à l’autre pêcheur demeurés sur la plage, espérant les séduire à prix d’or.

Mais on ne l’écoutait pas.