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TROISIÈME PARTIE

— N’attendez pas qu’ils s’en aillent avec la marée, insista le voiturier. Il faut vous décider tout de suite. Il n’en reste plus que deux.

M. Forestier courut donc au village, bien que le cœur lui battît à la perspective d’un voyage en mer, par un temps à couler des navires.

N’importe ! Il fallait se décider.

Le patron de la première chaloupe refusa de tenter l’aventure :

— Faut attendre, m’sieur Bernard, c’est pas Dieu possible ! Faut que le vent tombe ! Peut-être demain… mais je ne promets pas…

La seconde chaloupe se préparait à partir pour l’Angleterre. C’était folie de faire une telle traversée, dans une coquille de noix. Mais c’était aussi la seule chance de sauver les bagages, d’échapper aux Allemands.

— Combien ? demanda M. Forestier.

— Trois cents francs.

— Les voici ! Quand partez-vous ?

— À quatre heures du matin.

— Soit.

Vers le soir, des pêcheurs vinrent prendre les colis, pour les porter dans l’embarcation.

— Soyez prêts à trois heures et demie, recommanda le patron, en emportant la dernière caisse.

On se jeta tout habillé sur son lit, sans pouvoir fermer l’œil.

On écouta hurler la tempête, une sourde canonnade se mêler au bruit des vagues, et l’on pensait à des