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TROISIÈME PARTIE

ancienne amie qui, pour lui seul, chantait la chanson d’Ypres, la chanson de liberté ! Le carillon des halles ne la chantait plus. Il était mort, comme la ville. Et Barnabé n’avait que sa montre et ses souvenirs pour en évoquer le charme évanoui.

Encore une fois, des officiers le découvrirent : des Anglais inflexibles qui l’emportèrent dans une auto jusqu’au prochain village, où il fut déposé hors de la zone de feu. Il trouva un logement à l’auberge ; dès le lendemain, il fit des promenades, espérant arriver à Ypres, dont il regardait, pendant des heures, le clocher de Saint-Martin et la tour des halles, informes et sombres à l’horizor de la plaine.

Il ne pouvait en approcher qu’à travers champs, les routes étant encombrées de soldats et de transports militaires. Cependant, chaque jour, il surveillait de loin le chemin conduisant aux remparts.

Un après-midi, il reçut une lettre de Sylvain, qui lui annonçait sa visite. Sous prétexte de sauver ce qu’il restait de valeurs enterrées dans son jardin, le Dr Claveaux se promettait de rester quelque temps auprès de son père, dans l’espoir de le décider à partir.

Aussitôt Barnabé s’enfuit. C’était un jour de bombardement terrible. Les obus tombaient sur les routes, bien au delà des remparts. Aussi les colonnes militaires furent-elles arrêtées, en attendant la nuit. Les soldats, abrités derrière les fermes, avaient abandonné leurs chariots alignés. Plus une âme n’était visible dans la