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TROISIÈME PARTIE

guerre qu’une idée confuse, car c’était sans comprendre qu’il demandait en gémissant : « Pourquoi que c’est moi qui dois souffrir ainsi ? »

Après tout, c’est vrai, « pourquoi que c’était lui ? »

Parfois le comique se mêlait à la tragédie.

Un matin, la porte s’ouvrit et une statue vivante apparut : un soldat couvert de boue jaunâtre jusqu’au sommet du képi.

Il demeura, les bras écartés, au seuil du vestibule, et, remuant les paupières, se tint immobile dans son manteau raide qui ressemblait à une guérite. Quelques blessés sourirent. Un « cas léger » s’approcha :

— Ben, mon vieux, qu’est-ce qui t’arrive ?

— Je sais-t-y moi ?

— T’auras la crève de ce coup-ci. Tu parles d’un fumier !

Le nouveau venu, sans bouger, raconta son histoire :

— C’est c’te nuit qu’on m’a trimballé dans un Madeleine-Bastille. Mais a fallu se couler de c’te guitoune. Alors, j’vous dis que ça. Y f’sait noir qu’on s’voyait pus… Avancez, nom de Dieu ! qu’on me crie. Droit d’vant vous ! Chargez !… Ben oui, j’veux ben, quoi ? Je m’décolle, au p’tit bonheur. Et pis vlan ! Me v’ià dans une mare, ou quèque chose d’approchant…

— Ça se voit ! dit le « cas léger ».

— Et du schrapnell ! c’est rien de l’dire ! C’que ça buquait ! Alors j’mai trempé le ciboulot dans la mare. Mais, faut aussi se donner de l’air… Bah, ouiche ! Et dzim et boum ! Et allez donc… R’pique, Mathurin, que