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TROISIÈME PARTIE

On y torchonnait rapidement leurs blessures, puis des paysans les emportaient sur des charrettes qui s’égouttaient le long du chemin. Sans savoir où les conduire, ces campagnards s’informaient aux portes de la ville, et des femmes du peuple leur indiquaient la clinique du Dr Claveaux.

Lorsqu’une de ces charrettes se montrait au bout de la rue, ces femmes, sortant de leur maison, accouraient, avidement curieuses. Bientôt une foule se pressait à l’entrée de la clinique ; des gamins, comme de jeunes singes malfaisants, grimpaient aux grandes roues des chariots, s’accrochaient aux ridelles, s’appelant les uns les autres, gesticulant par-dessus les faces pâles et douloureuses des soldats étendus.

Il fallait d’abord secouer cette marmaille importune, puis décharger cette pauvre chair souffrante.

Les salles étant pleines, on couchait les arrivants sur un lit de paille dans le vestibule, en deux rangs parallèles qui laissaient un espace au milieu.

Ils attendaient, boueux et sanglants, que le sourire d’une religieuse vînt se pencher sur leur misère. Quelques-uns dormaient, accablés d’une fatigue surhumaine. On ne leur découvrait aucune blessure. Cependant, ils demeuraient là plusieurs jours, immobiles, terrassés par le sommeil.

D’autres semblaient morts, vidés de tout leur sang. Une capote, qu’on enlevait, n’était plus qu’un lambeau dentelé par la mitraille, un soulier laissait couler une gélatine fétide et brune, un os trouait un pantalon