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L’EXODE

dans une ville de rêve où grondait l’orage, et dont l’obscurité, par endroits, était traversée de longs jets de lumière qui révélaient un fourmillement silencieux.

Vers ce temps-là, Philippe apprit que Marthe songeait à partir pour Calais. Elle engageait son mari à ne point s’attarder à Ypres. La prise d’Anvers, la résistance des Belges à l’Yser, le torrent de fugitifs qui roulait vers la France laissaient peu d’espoir aux derniers habitants de La Panne. Aussi les « patriotes » s’étaient-ils empressés de fuir.

Philippe, renseigné par des officiers anglais, écrivit à sa femme de chasser toute inquiétude. En cas d’événement grave, il pourrait d’ailleurs la rejoindre à Calais. Toutefois, comme la clinique regorgeait de blessés, il ne voulait point quitter Sylvain, qui se dévouait de tout cœur et de toute sa fortune.

Bientôt, entre deux lettres portées à prix d’or par des courriers, une telle confusion se répandit en Flandre, qu’il devint impossible de correspondre encore ; et Philippe demeura sans nouvelles de Marthe et de Lysette. Néanmoins, il se rassurait en pensant que les Forestier prenaient soin d’elles. Quant à lui, heureux de se dévouer à la clinique, il attendrait pour partir que le Dr Claveaux lui donnât congé.

Jamais Sylvain ne s’était vu débordé par de plus tragiques souffrances dans son hôpital plein de territoriaux blessés. Ces braves gens, réservés par destination au service de l’arrière, n’avaient, comme assistance médicale, qu’un poste de secours à la ligne de feu.