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TROISIÈME PARTIE

s’affolât point de l’arrivée des Allemands, elle était allée prendre ses fillettes au couvent de la rue Saint-Jacques. Sans doute ne croyait-elle plus à l’intercession du pape, car elle avait enfermé les jumelles dans leur chambre, avec défense d’y faire le moindre bruit.

Il se trouvait heureusement que les deux soldats étaient de paisibles gens du peuple, éreintés de fatigue et qui ne demandaient qu’à se reposer. Tant bien que mal, ils avaient fait entendre à Gertrude, en un jargon qui ressemblait au flamand, que l’armée venait d’Arras, où elle avait été battue. Elle devait partir le lendemain, dès l’aube, car une grande bataille se préparait en Flandre. Il y avait espoir qu’elle terminerait la guerre et que les soldats retourneraient bientôt dans leurs foyers.

On obtint confirmation de ces nouvelles, quand la bonne servit le potage. Elle prit aux yeux de chacun une importance d’héroïne, pour avoir préparé le souper en présence de deux Allemands. C’était une simple fille de la campagne, arrondie de partout, et dont les joues semblaient peintes à neuf, dans le style naïf des poupées de la foire.

— Que font-ils, à présent ? demanda Sylvain.

— Je leur ai donné de la soupe, répondit-elle, en baissant les paupières.

— Vous avez bien fait, approuva Mme Claveaux, donnez-leur aussi une bonne tranche du gigot.

Elle recommanda, néanmoins, de ne pas leur verser trop de bière.