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PREMIÈRE PARTIE

Quant à l’endroit de sa naissance, Philippe ne l’avait pas choisi, et ce n’était pas sa faute si son père était mort sans lui laisser les moyens de suivre la carrière où l’entraînait sa vocation.

Avocat et politicien de province, son père lui avait du moins donné l’exemple d’une vie sans tache, d’une volonté qui s’exaltait devant les obstacles et d’un caractère qui ne transigeait pas. C’était un lutteur ; en dépit de sa profession, il aimait la ligne droite ; il s’occupait de politique pour mieux défendre ses convictions. Partisan irréductible de l’enseignement laïque, il avait créé, soutenu, développé des écoles dans la somnolente ville d’Ypres, au temps victorieux du parti libéral.

Jusqu’alors, les couvents et le collège catholique avaient formé des générations d’esprits sectaires et rétrogrades, incapables de tolérance ou de progrès.

Le père Héloir combattit furieusement l’obscurantisme provincial. Respectueux des croyances religieuses, il prêchait néanmoins la séparation de l’Église et de l’État, afin que l’homme ne fût point livré corps et âme à ces deux pouvoirs coalisés.

Grâce aux efforts de sa propagande, les écoles d’Ypres s’élevèrent au niveau qu’il ambitionnait pour elles, et il s’en réjouit avec la ferveur d’un idéaliste. Malheureusement, les catholiques revinrent au pouvoir ; les établissements du clergé reprirent leur première importance, et l’œuvre du père Héloir se trouva bientôt ruinée.