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L’EXODE

— D’ailleurs, continua Philippe, le Saint-Père s’y prend un peu tard. Voici deux mois que les Allemands se réclament de la protection spéciale du Seigneur.

— Je le sais, mon ami, soupira Mme Claveaux, c’est ce qui les rend si abominables.

Toutefois, il n’entrait point dans l’esprit de cette inébranlable chrétienne que le Dieu du Saint-Père fût celui des Allemands. Cela répugnait au bon sens. Pour dire le moins, c’était ridicule. Aussi préférait-elle ne pas discuter de si grossières erreurs :

— Avec des gens comme vous, monsieur Héloir, il n’y a pas moyen de s’entendre… Laissons cela et entrons chez Maclou, qui peut avoir oublié le vol-auvent, et il est midi passé…

III


Dans sa clinique, encombrée de soldats belges, le Dr Claveaux donnait l’exemple de cette entr’aide, si consolante et si belle parmi les cruautés et les dévastations de la guerre.

Philippe l’assistait avec une ferveur de prosélyte. Jamais il n’avait éprouvé, une telle exaltation ; jamais il ne s’était senti plus d’accord avec lui-même, ni plus proche de cette pauvre humanité qui découvrait dans la souffrance des trésors de dévouement, qu’aux jours de bonheur l’égoïsme tenait enfouis.