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TROISIÈME PARTIE

science, d’une carrière médicale qui le conduirait à la célébrité.

Mais son libéralisme l’entravait à Ypres. Aussi, quand Philippe s’établit à Bruxelles, Sylvain s’empressa-t-il de le suivre, afin d’échapper à la pression religieuse qui courbait les intelligences sous le despotisme des curés.

Lorsque sa mère mourut, son père se trouva seul dans la grande maison familiale. Refusant tout secours à Sylvain, qui se débattait furieusement et sans parvenir à se frayer un chemin dans une carrière encombrée, il le rappela, promettant de lui céder sa clientèle et la plus grande part de sa maison.

Sylvain y retourna, comme l’enfant prodigue, assuré d’une existence facile mais secondaire, qui lui laisserait, toutefois, mille occasions de se dévouer.

Il se maria. Ses ambitions fléchirent. Des habitudes remplacèrent ses anciennes aspirations. Il renonça à toute politique, mit ses filles au couvent, et parvint à la cinquantaine, sans trop souffrir des grands rêves qu’il s’était arrachés. Mais, comme Philippe, il en gardait la blessure : une vanité sensible et, surtout, une humeur acariâtre et prompte à s’irriter.

C’était un homme d’assez belle taille, un peu voûté par les fatigues de son métier — lequel, pourtant, ne l’avait point blasé sur la souffrance humaine.

Déjà chauve et la barbe toute blanche, il gardait une superbe denture et des yeux vifs, d’un bleu clair, qui parfois s’allumaient derrière son pince-nez d’or. L’âge