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L’EXODE

maison de bois des temps gothiques, une façade à balcons dorés, une boutique flamande, un pignon à colombages, une toiture en escalier…

Le Dr Claveaux occupait un hôtel du XVIIIe siècle, dans une rue sans trafic, où la solitude regardait croître l’herbe entre les pavés inégaux. À droite et à gauche de l’entrée cochère, aux précieux panneaux couverts de sculptures, s’alignaient six fenêtres solennelles, comme les servants d’une chaise à porteurs.

Depuis des générations, les Claveaux vivaient là, de père en fils. La famille actuelle se composait du grand-père Barnabé, du médecin, de sa femme et de leurs deux jeunes filles, pensionnaires au couvent de la rue Saint-Jacques.

Au grand déplaisir du vieux Barnabé, le Dr Claveaux avait épousé une jolie femme sans dot, mais de famille irréprochable. Elle eut l’esprit de lui donner des jumelles d’une santé magnifique et un bonheur conjugal si paisible et confortable qu’il ne laissait au médecin d’autre souci que d’orner de porcelaines et de meubles antiques la vieille maison où le retenaient ses souvenirs.

Il s’en fallait, pourtant, que le Dr Claveaux se fût résigné sans combats aux médiocrités de la vie provinciale. Fils du médecin le plus renommé de la ville, comme Philippe l’était du plus grand avocat, les deux jeunes gens avaient rivalisé d’ardeur à l’étude et nourri les mêmes ambitions. Celles de Philippe se tournaient vers l’art ; Sylvain Claveaux rêvait de