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L’EXODE

Mais le caporal avait autre chose à faire qu’à répondre aux questions de Philippe.

Il apprit, néanmoins, que Louvain était en flammes, qu’on y fusillait les civils dans les rues, qu’il y avait eu des massacres dans Aerschot, et que l’armée belge, vaincue, se retirait sur Anvers, où ces grenadiers allaient se rassembler.

On disait, de plus, que des uhlans rôdaient aux environs d’Ostende, que l’on se battait autour de la ville, que les autorités, à bord du Marie-Henriette, attendaient, pour partir, la confirmation du danger.

Philippe trouva donc la banque fermée, des gens prêts à fuir, d’autres arrivant avec leurs pauvres hardes, dans un affolement d’animaux traqués. Sur une brouette de fugitif, un enfant dormait au soleil qui réchauffait sa misère ; une paysanne, accroupie au bord d’un trottoir, pleurait, immobile et les mains croisées autour des genoux. On prenait d’assaut le tramway vicinal, où Philippe eut grand peine à trouver place ; et il retourna vers La Panne, ennuyé de n’avoir pu négocier ses valeurs.

— Je vous les prendrai, dit M. Forestier, ne fût-ce que pour donner à Constantin une leçon de droiture.

Constantin, c’était M. Grassoux, à qui les Forestier ne pardonnaient pas son avarice. Ils n’osaient, toutefois, la lui reprocher. Les relations, déjà si tendues, se fussent brisées, sans doute, et l’on avait bien assez de la guerre sans y ajouter des querelles de famille. C’était la faiblesse de M. Forestier : il tremblait de se