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TROISIÈME PARTIE

On ne pouvait être mieux. Par les fenêtres ouvertes, entrait le bruit soyeux des vagues ; on se sentait séparé des gorilles par des kilomètres de calme, de silence, de sécurité. Quelques heures auparavant, un tourbillon emportait les fugitifs, comme des feuilles d’automne arrachées par l’ouragan ; et il semblait étrange de ne plus avoir à craindre la mort, après tant de nuits d’épouvante, où l’on se rêvait dans les massacres, les incendies.

Les stratèges de la plage, à l’heure du bitter, commentaient les nouvelles des journaux.

Fermant les yeux aux plus tragiques réalités, ils étalaient un patriotisme ingénu, et, ne croyant qu’à leurs propres espérances, ils fixaient à la fin d’octobre la suprême expiration de la guerre.

Surtout, ils accablaient de sarcasmes les objections des pessimistes, qui tournaient un œil vers la France, dont la frontière était voisine, et qui conseillaient de la passer à temps.

— Oh ! vous n’y pensez pas ?…

— À mon avis, il est prudent de partir.

— Mais, cher monsieur, toute la côte va se couvrir d’hôpitaux, et l’on attend de nous que chacun se dévoue à recevoir des soldats convalescents.

— S’il en est ainsi, je reste.

— Et moi, de même.

— Les autorités, d’ailleurs, ne tarderont point à nous convoquer.

Dès lors, la folie de la Croix-Rouge anima ces