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L’EXODE

cher… À demain ! Que Lysette m’attende et, surtout, rappelez-vous les passeports !

Le moment d’après, Philippe se trouva sur le trottoir, ne sachant s’il devait se réjouir ou se fâcher de cette solution. Certes, il exultait à la pensée que Lysette serait sauve des envahisseurs, mais quatre mille francs lui semblaient peu de chose pour affronter le désarroi de la guerre.

Le lendemain, Philippe regardait pleurer Marthe, que le départ de Lysette laissait sans courage.

Étendue sur un lit de la bibliothèque, elle se sentait écartelée entre le désir de suivre sa fille et le devoir qui la retenait près de son mari.

— Nous aurions dû partir aussi ! gémissait-elle. Mais Philippe n’acceptait point l’idée de quitter ses livres, sa maison, tout ce qui donnait une valeur à sa vie. Il objecta, d’une voix timide :

— Et s’il vient des blessés ?

— Il n’en viendra pas. Tu sais parfaitement qu’on les envoie aux hôpitaux.

D’heure en heure, on passait de l’espoir à l’angoisse. On parlait de défendre Bruxelles, de canonner l’ennemi, qui approchait de la capitale. Le moment d’après, on annonçait que les défenseurs étaient partis, abandonnant les civils à leur sort…

Et un souffle de terreur suit un souffle d’espoir. On se sent pareils à des feuilles qui tremblent ; les journaux publient des atrocités sans nom, tout en assurant que « la situation reste bonne », que l’armée allemande