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L’EXODE

ville haute, Frédéric jette un regard attristé sur une diseuse de bonne aventure, dont le boniment promet de dévoiler l’avenir : « Pour deux sous, messieurs et dames… Entrez, entrez… C’est dix centimes seulement. »


Il faut se battre pour approcher des banques, où le public affolé se presse en troupeaux. On s’écrase dans une poussée terrible, que la police et les gendarmes s’efforcent vainement de contenir.

En quelques jours, une panique s’est répandue et l’on s’étouffe les uns les autres : chacun veut reprendre son argent ; c’est une question de vie ou de mort…

Des femmes s’évanouissent dans la cohue, sans qu’on puisse les secourir. Il faut attendre que la poussée les ait portées jusqu’au bout, jusqu’à l’entrée des salles, où elles tomberont sur le marbre des couloirs.

— Je te l’avais dit ! halète Sauvelain qui, depuis des heures, se débat, près de Philippe, dans la féroce pression de la foule.

— Tiens bon ! gémit l’écrivain, ce sera bientôt notre tour.

Quand, épuisés, ils arrivent aux guichets, un commis grincheux leur pousse un billet de mille.

— Ça ne me suffit pas !

— Tant pis pour vous !

— Mais, au moins, donnez-moi des billets de vingt !

— Allez changer à la Banque Nationale.