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L’EXODE

nuit, il dormait au Bois ou dans la forêt de Soignes, avec son chien et son fusil.

Tout le quartier comptait sur lui pour la défense, et Sauvelain n’en menait pas large, quand le pharmacien démontrait l’invraisemblance d’une invasion de Bruxelles : — Monsieur, j’ai vu les avenues barrées de chariots, des arbres en travers de nos routes stratégiques. J’ai vu nos tranchées, tout un système de défenses aussi imprenables que des forts.

Comment résister à cette assurance, au prestige de sa baïonnette étincelant au soleil ?

— Mais les uhlans ?

— Allons donc ! Ils se rendent pour un morceau de pain.

Après cela, on descendait plus léger vers la ville, où l’on ne remarquait pas tout de suite que la foule était plus fiévreuse et que des taxis plus nombreux s’enfuyaient vers les gares. On se rassurait à voir tant de monde aux terrasses des cafés. Les journaux, d’ailleurs, continuaient d’assurer que « la situation était bonne », que « l’on gardait beaucoup d’espoir ».

On parlait même d’une bataille à Dinant, où les Français, enfin ! étaient venus nous secourir.

— Mais les Anglais ?

— Chut !… le général French a traversé la ville. Des gens l’ont vu, de leurs yeux vu !

— Oh ! alors…

— Ils sont à Anvers, mais ne le dites à personne.