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DEUXIÈME PARTIE

— En ce cas, dit Marthe, il faudra que tu ailles sans faute à la banque. Il est plus que temps.

— Peut-être même est-il trop tard, insinua sombrement Frédéric… Il y a foule autour des banques… J’ai couru toute la journée d’un bout à l’autre de la ville. Sur quatorze tableaux vendus, on ne m’en a payé que deux… Tout le monde se cache et garde son argent.

— Mais alors, qu’allons-nous devenir ? s’écria Marthe, que Sauvelain avait rejetée dans l’inquiétude.

— À la grâce de Dieu ! soupira Yvonne, qui songeait à son fils.

V

— Soyez tranquilles, messieurs ! Bruxelles n’a rien à craindre.

Ainsi parlait un garde civique, en faction au coin de la rue.

C’était un pharmacien borgne, à barbe noire, que n’avait pu enchaîner son métier sédentaire. Sa vieille sœur dirigeait l’officine, car il était rare qu’on le trouvât chez lui. Parfois, on le voyait passer, en bonnet grec et pantoufles de tapisserie, qui s’en allait acheter le journal. On ne s’étonnait point si, d’aventure, il revenait, après trois jours de randonnée, reprendre le pilon sous les regards offensés de sa vieille sœur.

Depuis la guerre, il ne quittait plus son uniforme. La