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C’étaient des pâtés monstrueux, des lacs, des rivières, et toute une suite de catastrophes sans délicatesse, sans génie...... un spectacle noir et affreux !

Or, ce livre, c’était l’Elzévir de mon maître. Elzévir in-quarto, Elzévir rare, coûteux, introuvable, et commis à ma responsabilité avec les plus graves recommandations. Il est évident que j’étais perdu.




J’absorbai l’encre avec du papier brouillard, je fis sécher le feuillet ; après quoi, je me mis à réfléchir sur ma situation.

J’éprouvais plus d’angoisse que de remords. Ce qui m’effrayait le plus, c’était d’avoir à avouer le hanneton. De quel œil terrible mon maître ne considérerait-il pas cette honteuse manière de perdre mon temps, à cet âge de raison où il disait que j’étais maintenant parvenu, et de le perdre en puérilités dangereuses, et très-probablement immorales ! Cela me faisait frémir.

Satan, dont je ne me défiais point pour l’heure, se mit à m’offrir des calmants. Satan est toujours là à l’heure de la tentation. Il me présentait un tout petit mensonge. Durant mon absence, cet infâme chat de la voisine serait entré dans la chambre, et aurait renversé l’encrier sur le chapitre quatre de Bello gallico. Comme je ne devais point sortir entre les leçons, j’aurais motivé mon absence sur la nécessité d’aller acheter une plume. Comme les plumes étaient dans une armoire à ma portée, j’aurais avoué avoir perdu la clef hier au bain. Comme je n’avais pas eu permission hier d’aller au bain, et que je n’y avais réellement pas été, j’aurais supposé y avoir été sans permission, et avoué cette faute, ce qui aurait jeté sur tout l’artifice beaucoup de