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amours certains traits que l’on pourra reconnaître dans les récits qui suivront.




Cette prison dont j’ai parlé n’a qu’une seule fenêtre qui donne de mon côté. En général, les prisons ne sont pas riches en fenêtres.

Cette fenêtre est percée dans une muraille d’un aspect noir et triste. Des barreaux de fer empêchent le prisonnier d’avancer la tête au dehors ; et un appareil extérieur, qui lui dérobe la vue de la rue, ne laisse pénétrer dans le fond de sa retraite qu’un peu de la lumière du ciel. Je me souviens que la vue de ce soupirail ne m’inspirait alors que terreur et colère. C’est qu’en effet, dans une société que je me figurais tout entière composée d’honnêtes gens, il me paraissait infâme que quelqu’un s’y permît d’être assassin ou voleur ; et la justice, qui protégeait des gens parfaits contre des monstres, m’apparaissait comme une matrone saintement sévère, dont les arrêts ne pouvaient être trop terribles. Depuis, j’ai changé : la justice m’est apparue moins sainte ; ces gens parfaits ont baissé dans mon estime ; et dans ces monstres j’ai reconnu trop souvent les victimes de la misère, de l’exemple, de l’injustice… Alors la compassion est venue tempérer la colère.

L’esprit des enfants est absolu, parce qu’il est borné. Les questions, n’ayant pour eux qu’une face, sont toutes simples ; en sorte que la solution en paraît aussi facile qu’évidente à leur intelligence plus droite qu’éclairée. C’est pour cela que les plus doux d’entre eux disent parfois des choses dures, que les plus humains tiennent des propos cruels. Sans être de ces plus humains, cela m’arrivait souvent ; et, quand je voyais conduire