tées dans des bouteilles illuminaient une nappe chargée de mets rustiques et d’ustensiles pittoresques ; au milieu, un potage fumant ; sur les ailes, trois ou quatre variétés d’omelettes ; autour, et symétriquement disposées, des chopines d’étain remplies, les unes d’un petit muscat du Valais, les autres de l’eau du glacier. Nous nous assîmes avec délices. Le plaisir d’arriver, la surprise de rencontrer tant de ressources, et, plus que tout cela, le sentiment que toutes ces choses étaient sorties de terre au coup de baguette du plus aimable empressement, portèrent à son comble un contentement auquel se mêlait, dans ces premiers moments, le charme plus sérieux de la reconnaissance.
Le Français ne tarda pas à paraître. Derrière lui, l’hôtesse, toute grave d’obéissance et de bon vouloir, portait le sambayon. Nous nous récriâmes sur le plaisir de la surprise et sur l’habile ordonnance du festin. « N’est-ce pas ? Et voilà ce que c’est, ajouta-t-il en se tournant vers la pauvre femme, que de rencontrer de braves gens qui ouvrent leur cave, livrent leurs œufs, donnent leurs nappes. Allez, bonne femme, envoyez coucher vos hommes, et quand le vin sera bouillant, appelez-moi. C’est un négus, nous dit-il. À table maintenant ? Ici madame Desalle, là mademoiselle Émilie, M. Desalle en haut, moi en bas, vous, et ces messieurs dans les intervalles ; et vive l’auberge de Trient ! » Nous fîmes un chorus général, moi surtout, qui venais d’assurer à ma chaise une place entre celle d’Émilie et celle de sa mère.
Le souper, comme on peut croire, fut charmant. Dès la soupe, qui était bonne, mais claire, ce furent des exclamations qui se renouvelèrent à chacun des mets ; et, sans parler de ce que le cœur y mettait du sien,