des vieilles maximes ; le mépris des rustiques usages, des pratiques religieuses, avaient préparé le sol : la corruption y germa, prit racine, s’étendit, pénétra jusqu’au cœur de tous ces foyers ; l’intempérance, la maladie, la misère, comme autant d’ulcères, rongèrent ces familles jadis saines et aisées ; et, au bout de peu d’années, cette petite société, ruinée par l’abandon des habitudes d’ordre et de labeur, et unie seulement par le lien du vice et du besoin, formait contre la propriété des communes voisines un abominable complot. Ils s’appropriaient des bestiaux, ils contestaient des titres, ils prétendaient à des terrains, jusqu’à ce que, amenés devant la justice, ils gagnassent leur cause au moyen du faux témoignage, auquel ils s’étaient engagés tous solidairement par un exécrable serment. Le terme de ces crimes était enfin venu : les pères et les mères avaient été jetés dans les cachots ; et leurs enfants, orphelins, flétris, dispersés, mangeaient autour des cabanes, ou sur le pavé des villes, le pain amer de l’aumône.
Heureusement je ne savais point ces choses. Assis auprès de la fontaine, j’en admirais le cristal, les mousses éclatantes ; je me figurais que ces bonnes gens, que je ne voyais pas sous le porche des maisons, autour des étables, travaillaient dans la forêt, ou faisaient paître au loin leurs nombreux bestiaux. Comment, dans ces lieux écartés, sous ces aimables ombrages, se peindre une peuplade dévorée par ces plaies qui rongent la populace des grandes villes ? Comment renoncer, au sein des hautes Alpes, à ce charme d’innocence que l’on vient y chercher comme dans un inviolable asile ? Et pourtant, bien des fois déçue, l’illusion renaît sans cesse, parce que, pour nous, hommes des villes, cette grande